GINGERSNAP BALI : QUAND LA MODE INTEMPORELLE ÉTABLIT DE NOUVEAUX CODES ENTRE BALI ET PARIS

Quand deux créateurs authentiques et passionnés se rencontrent, on peut parfois avoir des surprises. Aujourd’hui, le monde de la mode est englué dans des « codes » stricts, dépourvus de fantaisie, poussés par des impératifs temporels et le désir de copier les grandes « marques ». Et si la mode pouvait être intemporelle mais sophistiquée, aventureuse mais aussi minimaliste, et toujours séduisante ? C’est exactement ce sur quoi Jay et Jam ont travaillé sans relâche, au cours des 12 dernières années, en lançant Gingersnap Bali. Aujourd’hui, la marque a établi des standards singuliers en tant que marque de prêt-à-porter qui ne produit que des pièces temporelles – ainsi que des classiques avant-gardistes que nous aimons tous. Mais la particularité de Gingersnap réside ailleurs. Derrière le succès de cette marque boutique se cache le charisme de deux hommes d’horizons différents mais complémentaires – qui ont imaginé la mode comme spontanée, polyvalente mais discrète et charmante. Dans notre article d’aujourd’hui, nous avons discuté avec les deux esprits qui ont créé une marque toujours chic sans prétention.

Pouvez-vous nous présenter Gingersnap Bali en 3 mots ? Quelle est l'essence de Gingersnap Bali ?

Jay : Gingersnap Bali est chaleureux, magique et fabuleux. Le mot « Gingersnap » est issu de deux idées. Ginger est une sorte de médicament, chaud et peut vous donner une sensation de confort, et Snap fait référence au toucher. Nous pourrions donc dire qu'avec Gingersnap Bali, nous apportons une touche de chaleur aux gens, à TOUTES les personnes avec lesquelles nous portons nos vêtements.

Jam : Notre philosophie est centrée sur le prêt-à-porter urbain, la sophistication et le monochrome. Lorsque nous avons créé Gingersnap il y a 12 ans, nous étions adeptes des « robes de cocktail », très en vogue à Bali à l’époque, et qui ont rapidement disparu de notre vision de la mode. En tant que directeur créatif de Gingersnap Bali, j’ai construit une marque qui reflète qui je suis en tant qu’homme et ma vision personnelle de la mode. J’adore les petits créateurs de mode. Je déteste la mode saisonnière et temporelle – elle manque de liberté pour moi et Gingersnap Bali est libre. J’ai donc tendance à passer du temps seul, à explorer des trésors cachés quelque part lorsque je voyage et j’aime trouver des pièces uniques. Aujourd’hui, nous créons des vêtements urbains inspirés de la culture asiatique et notre devise est fortement axée sur les éditions limitées.

 

« Gingersnap Bali est chaleureux, magique et fabuleux. » — Jay

Parlez-nous du processus créatif de confection de vêtements chez Gingersnap Bali ?

Jay : On fait nos designs en fonction de notre humeur. Jam a des idées, crée un échantillon et me consulte ensuite. On fusionne facilement et on s'efforce d'améliorer la collection en duo. Jam est doué pour la coloration et les détails. Quant à moi, je donne la touche finale au design créé par Jam. On travaille ensemble depuis 2008 et j'ai beaucoup appris de son côté. Mais ce qui est spécial, c'est qu'on a tous les deux les mêmes goûts. On a l'âme, le caractère et la lumière de Gingersnap, c'est ça. C'est comme un 6ème sens, c'est comme de la télépathie.

« La touche finale est importante dans la mode. » — Jay

Jam : Nous commençons par le tissu. Il peut venir de Chine, d’Italie, d’Inde, de n’importe où. Ce qui compte pour moi, c’est de trouver un tissu beau, étonnant et élégant. C’est quelque chose qui est profondément ancré dans mon enfance. Quand j’avais à peine 18 mois, je passais d’innombrables moments avec mes quatre sœurs et ma mère et je me suis retrouvée à regarder sous leurs robes, jupes et vêtements en dentelle. Un jour, ma mère m’a avoué : « Il adore les tissus. C’est tout ce qui l’intéresse. » Plus tard, mes sœurs m’apportaient souvent des textiles avec lesquels je pouvais jouer. J’ai été fascinée par le monde impressionnant des tissus. C’est pourquoi, chez Gingersnap, une fois que nous avons trouvé les matières que nous aimons, je réfléchis au type de vêtements qui pourrait convenir à ce tissu spécifique. Je pense à la structure et je trouve un moyen de la rendre plus sophistiquée avec les détails. Je pense à des finitions haute couture qui pourraient être reproduites sur du prêt-à-porter. Une fois que j’ai une idée de la forme basée sur la silhouette, je fais un dessin et je transmets le design à mes stagiaires et stylistes.

« S'il y a un monde qui est toujours démodé, c'est la mode elle-même. » — Jam

Quelle collection était vraiment spéciale pour vous, à un moment donné, ou bien celle qui vous a vraiment fait penser : « Wow, c'est assez époustouflant. »

Jam : Chaque année, j'aime de plus en plus la collection. C'est comme ça depuis 7 ou 8 ans. Mais au bout de 6 mois, j'ai tendance à me lasser et j'ai l'urgence de créer quelque chose de nouveau. Depuis 2 ans, nous explorons le large spectre de couleurs. Notre touche est le monochrome avec des nuances de blanc. Nous avons plusieurs types de blancs ainsi que quatre pages de noirs différents dans notre catalogue de référence. L'année dernière, j'ai aussi lancé une nouvelle ligne, « Natural », qui propose des tissus transparents et des vêtements monochromes inspirés du Japon et de sa vision singulière de la mode. Cette collection propose du lin naturel et du voile de coton mélangés. Le tissu est importé d'Italie. Je suis impressionnée par cette nouvelle ligne et par notre projet à venir.

Pouvez-vous nous présenter vos nouveaux projets ou collections ?

Jay : La collection à venir me rend spécial. C'est quelque chose pour moi. J'ai l'impression que cette collection reflète vraiment ma personnalité. Jam dirait : « C'est tellement toi. » Donc pour 2020, nous mélangeons certaines cultures, certaines années. Par exemple, nous mélangeons le style japonais avec la culture arabe et nous ajoutons une touche balinaise.

Jam : La nouvelle collection est plus sophistiquée et moins minimaliste car nous introduisons un nouvel ingrédient qui est le bio wash. Le bio wash est un procédé de finition humide et permanente qui est généralement effectué avant la teinture, que j'ai découvert plus tôt avec John Varvatos, un designer américain porté par Mike Jagger. De plus, cette collection est plus monochrome, a une touche vintage et est profondément avant-gardiste.

Pour la nouvelle collection, quel sera le nouveau tissu ?

Jay : Nous travaillons toujours avec du lin naturel. Nous utilisons également du coton avec différentes textures. Selon le motif, nous pouvons avoir des tissus en coton plus ou moins épais. Mais ce qui est vraiment différent, c'est la coloration. Nous avons exploré une nouvelle technique de coloration avec le procédé bio-wash, comme l'a expliqué Jam plus tôt.

En général, qu'en est-il des matières, des tissus, comment les achetez-vous ?

Jay : Je dirais que 40 % de notre collection est composée de lin, 30 % de rayonne et 20 % de tissus à motifs. Pourtant, chez Gingersnap, nous avons différentes collections. La collection de base nous oblige à utiliser le même tissu tout en changeant les détails. La collection capsule est créée de toutes pièces à partir de quelque chose de nouveau avec le nouveau tissu du moment que nous aimons.

Jam : Comme chez Gingersnap, nous commençons par le tissu pour créer des vêtements, notre processus repose en grande partie sur l'approvisionnement de tissus de qualité dans le monde entier, par le biais des catalogues, du bouche-à-oreille ou de nos découvertes. Je reçois des catalogues d'agents marketing qui me présentent de nouveaux tissus et parfois, lorsque j'ai le temps, je visite des salons. Par exemple, il y a un nouveau salon au Vietnam que j'aimerais visiter bientôt. Et lorsque je le peux, pendant mes achats, je recherche de nouvelles matières, des motifs alternatifs, des tissus inconnus, et lorsque les matières de certains nouveaux vêtements me plaisent, je fais des recherches sur les matériaux utilisés.

Parlez-nous de votre processus de fabrication de vêtements respectueux de l’environnement ?

Jay : Nous utilisons du coton et avons introduit une nouvelle façon de colorer. Cependant, le nouveau procédé n'est pas encore 100 % biologique ou respectueux de l'environnement. Un autre élément écologique est que nous n'utilisons pas de produits chimiques lors de la production dans nos usines ; de plus, nous utilisons du plastique biologique et du papier recyclé dans nos magasins. Donc si je peux donner un pourcentage, je dirais que 65 % de notre production est respectueuse de l'environnement. Nous utilisons également du bambou de temps en temps dans notre collection.

Jam : Il y a longtemps, nous avions cette volonté d’introduire des tissus bio mais c’était assez coûteux. Aujourd’hui, nous produisons certaines de nos pièces en bambou et nous sommes vraiment éco-responsables en travaillant avec des teinturiers qui nous fournissent des couleurs naturelles sans utiliser de produits chimiques. Nous n’utilisons jamais de matières synthétiques, contrairement à certaines marques bien connues à Bali.

Avez-vous des références de créateurs de mode spécifiques que vous aimeriez partager avec nous ?

Jay : Nos designers de référence restent Yoshi Yamamoto et Rick Owen. Nous avons une forte affinité et une forte influence avec eux deux.

Jam : Je dirais Alexander McQueen depuis toujours. McQueen a créé une mode « hors du commun », quelque chose qui dépasse les frontières, entre le rêve et l’imagination. On a aussi Jean-Paul Gaultier. En fait, en termes de création artistique, avec JPG, on est juste ailleurs. JPG a eu une forte influence sur moi et quand j’étais adolescent, on me prenait souvent en photo dans la rue quand j’étais inspiré par le créateur français. Quand on parle de McQueen ou de Gaultier, on fait référence aux plus hauts standards de la mode. On a eu Bowie dans la musique, Victor Hugo dans la littérature, et on a McQueen et JPG dans la mode.

Comment Bali est-elle profondément influencée dans vos créations ?

Jay : Gingersnap est indissociable de Bali. La marque est née ici lorsque Jam et moi nous sommes rencontrés il y a quelques années. Gingersnap a une véritable âme balinaise. En tant que l'un des fondateurs de Gingersnap, Bali aura toujours une forte empreinte sur notre marque. Je suis un danseur sacré et j'incarne le véritable esprit de Bali. Et avec la touche finale que j'apporte au design, je transmets toujours mon esprit balinais. Jam connaît aussi profondément Bali car il est tombé amoureux de notre culture. Et lorsque vous portez Gingersnap, vous n'êtes pas quelqu'un qui se définit comme américain, européen ou autre. Vous portez quelque chose qui est vraiment défini par un esprit balinais.

Jam : La « Bali touch » vient vraiment de Jay qui a longtemps été danseur dans les temples balinais. Il traduit les univers de la culture balinaise. Aujourd’hui, il est devenu chaman et en tant que conseiller artistique, Bali c’est lui. J’ai aussi remarqué que Jay m’apporte l’inspiration féminine qui me manque, car je porte davantage l’énergie masculine. Nous sommes comme le yin et le yang.

Décrivez l'homme Gingersnap Bali, que fait-il, qui est-il ?

Jay : Chez Gingersnap, surtout en 2020, il n'y a pas de frontière entre les hommes et les femmes. Nous voulions créer un environnement profondément inspirant où les hommes et les femmes pourraient s'intégrer dans la collection. Quoi qu'il en soit, si Gingersnap était un homme, il serait sûrement intelligent, élégant et sophistiqué.

Jam : L'homme Gingersnap, c'est moi. Je voulais créer une transfiguration de la masculinité ou du caractère Gingersnap dans mes vêtements. Aujourd'hui, l'homme Gingersnap est branché, amoureux de l'« avant-garde », si je peux utiliser cette terminologie. Je dirais qu'il n'est pas bohème, il est plus urbain et décontracté. Il est tout en noir, inspiré par l'ambiance du Japon. Par exemple, nous avons des t-shirts asymétriques avec des matières délavées qui nous donnent un look avant-gardiste.

Et que pensez-vous de la femme Gingersnap Bali ?

Jay : La femme Gingersnap Bali est en quête de nouvelles aventures. Elle a appris à sortir de sa zone de confort et à embrasser la liberté. La nouvelle collection est sans style et inspirera les femmes dans leur quête de découvertes, de rencontres, de voyages avec un look aussi nouveau.

Jam : La femme Gingersnap Bali est décontractée, facile à vivre. Je veux que les femmes apprennent à exprimer leur sensualité sans en faire trop. Pour moi, il s'agit de dévoiler quelques détails qui vont inciter les hommes à en savoir plus. En effet, les femmes ont besoin de suggérer, de séduire, mais ne doivent jamais dévoiler complètement leurs atouts. Une belle femme est élégante et sait bien s'habiller. Et en tant que créatrice chez Gingersnap, je suis fascinée par le style d'Isabelle Huppert, Nathalie Baye et Sophie Marceau qui portent cette vision idéale de la femme sensuelle. La femme Gingersnap Bali est aussi une intellectuelle, une fumeuse et une grande voyageuse qui a besoin d'être légère dans ses vêtements au cas où elle s'envolerait pour Venise ou Hong Kong les jours suivants.

Si Gingersnap Bali était une chanson ou un genre musical, lequel serait-il ?

Jay : Pour moi, le genre musical typique qui pourrait représenter Gingersnap Bali est quelque chose entre le rock et le jazz.

Jam : Sans aucune hésitation, j'associerais Gingersnap Balito Charlotte Gainsbourg et son projet à la musique électronique. Saint-Valentin mortelle est une véritable référence pour moi. Comme Serge Gainsbourg, la musique de Charlotte est intemporelle et Gingersnap aussi. Mais la femme Gingersnap Bali a aussi un côté pop. J'adorais Clara Luciani qui a gagné deux Victoires de la Musique consécutives en France. Et enfin, je dirais qu'il y a une touche Françoise Hardy dans Gingersnap Bali.

Comment imaginez-vous Gingersnap Bali dans les prochaines années ? Où aimeriez-vous être ? Y a-t-il de nouveaux marchés que vous aimeriez explorer ?

Jay : Mon idée de Gingersnap Bali est de s’adresser à des gens qui s’acceptent et qui aiment faire la différence. Deuxièmement, les nouveaux marchés pour nous sont l’Europe et la Russie. J’imagine donc que nous nous concentrerions davantage sur ces régions. En effet, les Européens et les Russes acceptent mieux les nouvelles tendances de la mode. Ils saisissent rapidement les nouveaux codes. En tant que créateurs, nous devons coacher les gens. Pourtant, les Russes et les Européens savent déjà vraiment comment accepter les nouveaux codes

Jam : En ce moment, je suis occupé avec ce sujet : l'avenir de Gingersnap Bali. C'est un processus en constante évolution. Je dois avouer que je suis moins fasciné par le commerce de détail. Je crois vraiment que l'avenir passe par le shopping en ligne et les plateformes mobiles. Quant à nos projets, nous aurons un nouveau look et un nouveau site Web pour le début de l'été 2020. Nous prévoyons de nous concentrer sur la boutique en ligne et de creuser davantage le marché russe. Et si nous décidons toujours de développer quelques petites boutiques, je me verrais bien au Vietnam. Enfin, je pense qu'il y a un certain potentiel pour développer des marchés éphémères en France. Mais voyons ce que l'avenir nous réserve.

Écrit par : Angel Lebailly